Pentecôte : une journée contrastée | Custodia Terrae Sanctae

Pentecôte : une journée contrastée

« Frères, je vous le dis : marchez sous la conduite de l’Esprit Saint ». Dimanche matin, les mots de saint Paul ont résonné avec force dans l’église Saint-Sauveur de Jérusalem.
Au diapason de l’Eglise universelle, l’Eglise latine de Terre Sainte célébrait la fête de la Pentecôte, la remise de l’Esprit au monde entier.

Tout était réuni pour que la joie de la solennité soit tangible. La liturgie d’abord. Ornements rouges, décorum impressionnant du chœur, orné pour l’occasion d’un superbe ensemble d’argent représentant la descente du Saint-Esprit sur les disciples, encens, ou encore chants spécifiques à cette fête : Veni Creator et Veni Sancte Spiritus.

L’assemblée réunie dans l’église de la Custodie pouvait également rappeler les Douze réunis au Cénacle autour de Marie. En effet, la Messe, présidée par le vicaire custodial frère Dobromir Jasztal, fut dite en latin, arabe et italien. Pour ne pas oublier que la Pentecôte, c’est aussi le don des langues, manifestant l’universalité du message évangélique. La lecture des Actes des Apôtres le rappelle : « Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? Tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. »

Il ne manquait que le lieu « historique » de l’envoi de l’Esprit Saint. Mais le Cénacle, situé sur le mont Sion, n’est plus accessible pour y célébrer la Messe. Il se situe au cœur dans un ensemble qui constituait le couvent bâti par les Franciscains au XIVe siècle et d’où ils furent chassés au début du XVIe. Les musulmans transformèrent alors en mosquée la salle où la tradition situe la chambre haute de la Pentecôte.
Les indulgences accordées sur le lieu du Cénacle furent transférées à l’église Saint-Sauveur de Jérusalem.

Au Moyen Âge, une tradition situa dans une salle du rez-de-chaussée le tombeau du Roi David. A partir de 1948, l’ensemble des bâtiments se trouvant du côté israélien de la ligne qui divisait la ville, les juifs prirent l’habitude de s’y rendre en pèlerinage. De là, ils se trouvaient en effet au plus près du Mur Occidental (Kotel) et de l’esplanade de leur Temple alors interdits d’accès.

Ces dernières années, le Cénacle du fait de sa proximité avec la supposée tombe de David est devenu un lieu de tension. Alors que son droit d’usage est discuté dans le cadre de l’accord en cours entre l’Etat d'Israël et le Saint-Siège, certains juifs prétendent à tort que l’accord pourrait leur faire perdre l’accès à leur sanctuaire davidique. D’autres, plus virulents, estiment que toute prière chrétienne « désacralise » leur lieu saint le rendant même « impur ».

Les tensions étaient à leur comble l’année dernière quand le pape François, en pèlerinage en Terre Sainte, s’y était rendu pour la célébration exceptionnelle de l’Eucharistie. Car si les catholiques peuvent vivre deux temps de célébration par an (le Jeudi saint après-midi en souvenir du lavement des pieds et de l’institution de l’eucharistie, et le jour de la Pentecôte pour les deuxièmes vêpres de la fête) ils ne peuvent jamais y célébrer la messe.

Cette année, les fêtes de Pentecôte chrétienne et juive (Shavouaot) tombant le même jour, certains groupuscules juifs déclarèrent que les chrétiens - dont ils estiment qu’ils n’ont aucun droit sur le Cénacle - venaient prier par provocation. C’est donc sous une escorte policière soutenue, que dans l’après-midi les Franciscains quittèrent le couvent Saint-Sauveur au son des bâtons des kawas vers le Mont Sion. Avant de partir, frère Sergio Galdi, secrétaire de la Custodie, avait informé les religieux qu’ils étaient attendu et rappelé - s’il en était besoin - qu’en cas de provocation, ils ne devaient en aucun cas répondre.

La vigilance des policiers tranchait singulièrement avec la sérénité des frères. La Porte de Sion passée, la tension était palpable et c’est sous les huées de quelques adolescents tenus à distance par un cordon de police que les frères montèrent à la Chambre haute du Cénacle. La prière des vêpres se déroula tout à fait normalement, quand bien même à l’extérieur, un miniane d’adultes (le quorum de 10 hommes nécessaire pour la prière) tinrent une prière de lamentation.

A l’issue des vêpres, toujours sous l’œil vigilant de la police, franciscains et pèlerins quittèrent les lieux pour se retrouver au couvent dit du petit Cénacle (cenacolino).
Malgré les tensions et une campagne de presse savamment orchestrée dans certains milieux, tout s’est bien passé et pour les chrétiens c’est la joie et l’esprit de la fête qui demeureront les traits les plus marquants de cette journée.

nk et mab