La « Maison de l’amitié » des Saints Marthe, Marie et Lazare | Custodia Terrae Sanctae

La « Maison de l’amitié » des Saints Marthe, Marie et Lazare

Béthanie, 29 Juillet

Au temps de Jésus comme aujourd’hui, Béthanie – pour les arabes el ‘Azariya (le pays de Lazare) – aura été un petit village proche de Jérusalem, situé du côté du Mont des Oliviers, le long de la route qui descend en direction de Jéricho. Un village immobile, presque suspendu, léché par le désert comme il en existe tant en ces régions de Palestine.

Et pourtant, en ce lieu en apparence privé d’attrait, était conservé un grand trésor que Jésus Lui-même a goûté et dont le souvenir est arrivé jusqu’à nous : c’est là en effet que se trouvait la maison de Marthe, Marie et Lazare, « la maison de l’amitié » comme l’a définie ce matin le Frère Marcello Cichinelli dans l’homélie qu’il a donné lors de la Messe solennelle célébrée en l’église franciscaine construite par l’architecte Antonio Barluzzi. S.Em. le Cardinal Giovanni Coppa, Nonce apostolique émérite en République tchèque, y a participé en qualité de concélébrant, nous honorant ainsi de sa présence.

Un autre Messe, plus recueillie, a été célébrée par le Frère Silvio De la Fuente ce matin tôt, à 06h30, sur le lieu de la tombe de Lazare qui se trouve à une cinquantaine de mètres de l’église.

Au terme des célébrations, après un simple moment convivial, a eu lieu la traditionnelle procession scandée par la lecture de péricopes évangéliques, de chants et de prières. Cette dernière est partie de la zone se trouvant devant le sépulcre de Lazare et s’est poursuivie en direction du Mont des Oliviers avec des étapes à l’Edicule de l’Ascension du Seigneur et à l’église du Pater Noster.

La fête liturgique de ce jour est particulièrement chère à la communauté franciscaine puisque ce furent justement les franciscains à introduire en premier, en 1262, la fête de Sainte Marthe, exactement huit jours après la fête de Sainte Marie Madeleine, pendant longtemps erronément identifiée avec Marie de Béthanie, sœur de Marthe et de Lazare. Il s’agit cependant d’une fête proche du cœur de tous, un événement qui fait mémoire d’une expérience à laquelle tout homme aspire et dont pas même Dieu n’a voulu priver Sa vie terrestre, à savoir l’amitié.

Dans l’humble maison de Béthanie, loin du vacarme des événements, le « Jésus pèlerin » qui ne possède rien, qui n’a pas même « une pierre où reposer la tête » (Mt 8, 20) est accueilli comme ami, trouve la sollicitude qui veut tout donner de Marthe et l’écoute silencieuse et concentrée de Marie qui cherche de tout son être la Vérité et sent qu’elle touche, à côté de Jésus les « choses ultimes », le seuil intime de ce monologue que chacun conduit avec l’Absolu.

Dans ce contexte, la propension à la vie active de Marthe et celle à la vie contemplative de Marie ne s’opposent qu’apparemment. En réalité, ces deux attitudes s’entremêlent et s’harmonisent en un unique modèle puisque, comme l’observe Jacques Maritain, sur la route vers la perfection de l’amour, « l’action est surabondance de la contemplation ». Saint François lui-même voulut que les frères apprennent à faire la synthèse de la vie active et contemplative, résolvant le dualisme, comme dans la maison de Béthanie, au travers de l’éducation à la sobriété de la vie. L’amitié de Marthe, Marie et Lazare envers Jésus est en effet essentielle, non seulement parce qu’elle puise à l’essence des sujets qui y participent, rendant disponibles des ressources spirituelles et affectives inespérées. Ceux qui recherchent l’essentiel ne peuvent que se vouer à la sobriété parce que l’essentiel est par nature dépouillé de l’inutile, rigoureux, ordonné, contraignant. Il est le sursaut humain, le sceau du pacte d’intimité et de responsabilité mutuelle signé avec Dieu.

« Jésus aimait Marthe, sa sœur et Lazare » (Jn 11, 5). C’est « l’amour fou » de Dieu pour ses créatures, un amour si parfait qu’il est dans le même temps « personnel » et « universel », une amitié si pure qu’elle devient compassion absolue. Jésus fait, dans la famille de Béthanie, l’expérience du « grand amour » qui fait confiance au monde et brise l’absurdité et la solitude et vient à son tour paradoxalement, fournir une espérance définitive à la mort de Lazare, consoler pour toujours les pleurs de ses sœurs devant le sépulcre.

Une histoire si humaine et si grande a eu lieu dans une maison perdue de Béthanie. Combien sont vrais les mots d’Archibald J. Cronin, qui, dans son roman « Les Clefs du Royaume » déclare : « Ne pensez pas que le Paradis soit au ciel : il est dans le creux de votre main, il est partout et l’endroit où il est est sans importance ».


Texte de Caterina Foppa Pedretti
Photographies de Giovanni Zennaro