Incidents de Nazareth : le point de vue de la Custodie | Custodia Terrae Sanctae

Incidents de Nazareth : le point de vue de la Custodie

A-t-on échappé au pire dans la basilique de Nazareth le vendredi 3 mars ? Vendredi vers 17 h 30, le père Custode joint au téléphone, alors qu’il était en déplacement en Italie, eut un coup au cœur en entendant ces mots : « Il y a une bombe à la basilique de l’Annonciation ! » On ne savait pas encore si elle avait explosé ou si elle menaçait de le faire. On savait seulement qu’à cette heure c’était, en ce premier vendredi de carême, le chemin de croix suivi par les fidèles locaux et quelques pèlerins. Une bombe… dans la basilique… un des trois plus grands lieux saints du christianisme, sous la responsabilité des franciscains de Terre Sainte… La confusion était totale sur place, où il y avait bien eu détonation et où les rumeurs s’enflammaient. « Il y aurait des blessés et un mort », faisait-on circuler. Le cœur de la cité arabe israélienne s’emballait et la foule était déjà sur place pour manifester sa colère. Une foule composée de chrétiens et de musulmans. Les témoins qui parlaient à la presse, accourue sur place, étaient sous le choc et leurs propos étaient contradictoires. Le seul point sur lequel tous s’entendaient était que l’acte avait été commis par un ou plusieurs juifs. On parla de membres, jusqu’à cinq, d’un groupe d’extrémistes juifs religieux.

Le choix de la prudence
À Jérusalem, au couvent Saint-Sauveur, le vicaire custodial et le secrétaire de la Custodie suivaient, autant qu’ils le pouvaient, la situation mais la prudence était de mise tant que les faits n’étaient pas mieux connus. La Custodie ne voulait pas attiser une situation déjà explosive à Nazareth où une manifestation devant la basilique était en train de dégénérer. La thèse d’un groupe extrémiste religieux au moment de l’entrée en shabbat faisait planer le doute sur l’identité des auteurs du méfait. On a reproché à la Custodie de ne pas avoir dénoncé l’acte d’un juif dans son communiqué de 22 h 30. Fallait-il ne retenir que son judaïsme à lui quand sa femme était chrétienne ? À cette heure-là, on avait en effet identifié les coupables, un couple de triste renommée.

Dans la soirée, les agences de presse, qui à 18 h n’hésitaient pas à parler d’extrémistes religieux, semblaient maintenant accuser la colère d’une foule déchaînée pour quelques pétards.

Oui, la manifestation a donné lieu à des débordements que la Custodie regrette non seulement parce qu’ils ont fait des blessés de part et d’autre de la police et des manifestants, mais encore parce que la tournure qu’ils ont prise s’est trouvé bien éloignée d’un esprit chrétien.

Pour autant, on ne peut pas réduire les événements à l’explosion de quelques pétards. Les photos, prises par les franciscains de Nazareth, attestent bien de la présence de pétards et de petites bouteilles de gaz. Les franciscains n’étant pas artificiers, ils ne peuvent, ni ne veulent, spéculer sur les dommages que l’explosion aurait pu causer. Mais il y a bien eu attentat et tentative d’attentat dans la basilique de Nazareth.

La Custodie de Terre Sainte condamne fermement tout acte commis contre un lieu saint et les croyants qui le fréquentent de quelque religion qu’ils soient. Elle remercie tous ceux qui le soir même lui ont manifesté leur soutien et leur solidarité, mais elle ne peut que regretter que la manifestation du vendredi soir à Nazareth ait dégénéré prenant une tournure politique alors que le pays est en période électorale. « La politique n’a pas à franchir le seuil des sanctuaires », affirme le père Custode Pierbattista Pizzaballa.

Qui sont les auteurs? Haïm Eliahou Habibi, juif de 43 ans et son épouse Violette, chrétienne de 40 ans, ne sont pas des inconnus des services de renseignements d’Israël puisqu’ils ont déjà menacé en novembre 2002 de faire exploser la Basilique de la Nativité à Bethléem, en Cisjordanie, où ils s’étaient retranchés avant de se rendre sans violences. Cet homme, juif israélien est connu pour être pour le moins instable. Son acte est-il l’acte délibéré d’un juif contre un lieu saint chrétien, ce qu’il représente et la communauté des croyants? L’enquête le dira.

Une exigence de justice
En ne voulant accuser personne, et notamment ni les juifs dans leur ensemble ni l’Etat d’Israël, la Custodie de Terre Sainte ne se désolidarise pas de la population arabe qu’elle soutient en Israël, comme dans les Territoires palestiniens. Mais la vocation des fils de saint François n’est pas d’attiser les souffrances. En Israël, comme dans les Territoires palestiniens, la Custodie appelle au respect des droits de l’homme, de tous les hommes et à la liberté de culte. Elle demande instamment à l’Etat d’Israël de veiller, comme ses lois l’y obligent, sur les lieux saints. Tous les lieux saints.

Présente en Israël, la Custodie de Terre Sainte connaît et partage le sentiment de la population arabe israélienne, et spécialement celui des chrétiens, d’être tenue pour des citoyens de seconde voire de troisième zone. Elle comprend la frustration de ces citoyens israéliens qui, pour être arabes, connaissent toutes sortes de discriminations, notamment à l’embauche. C’est pourquoi la Custodie quand elle le peut, et quand elle le doit, n’hésite pas à rappeler à l’Etat d’Israël son devoir de garantir l’égalité des droits entre les citoyens de son pays.

Dans ces événements, la Custodie se réjouit du soutien qu’elle a trouvé auprès de l’Eglise de Terre Sainte en la personne de sa Béatitude Mgr Michel Sabbah et de Mgr Giancinto-Boulos Marcuzzo, de Mgr Gianfranco Gallone secrétaire de la Nonciature, comme du soutien des Eglises sœurs de Galilée mais aussi de leurs représentants qui se sont déplacés de Jérusalem, notamment les Eglises grecque catholique, maronite, grecque orthodoxe, copte orthodoxe, anglicane, luthérienne et de l’Eglise reformée. Elle se réjouit aussi du soutien de la population musulmane qui s’est offensée qu’un lieu consacré à la Vierge Marie, vénérée dans l’islam, ait été outragé. Elle espère toujours trouver à ses côtés la communauté musulmane quand les lieux saints sous sa responsabilité sont menacés.

La paix est revenue à Nazareth et samedi soir, les franciscains ont conduit une procession mariale habituelle, à la fois recueillie et joyeuse. La foule, plus nombreuse qu’à l’accoutumée, est sans doute venue remercier le Seigneur et la Vierge Marie que les choses ne soient pas allé plus loin. Cette foule - encore plus nombreuse dimanche lors d’une très belle célébration dans une église pleine - a pu, à l’issue de la messe, se presser pour saluer sa Béatitude Mgr Sabbah, le père Custode, Mgr Marcuzzo et Mgr Chacour.

Les frères de la Custodie, à Nazareth comme ailleurs en Terre Sainte, vont poursuivre leur œuvre d’animation des lieux saints et de soutien aux populations pour que règne dans ce pays la paix, une paix juste et nécessaire. Puissions-nous, à l’exemple de la Vierge Marie à Nazareth, tenir nos cœurs prêts à entendre la Parole qui veut s’incarner en nous et que le Seigneur trouve des ouvriers désireux d’établir un monde de paix et d’amour.