Arrivée à la Basilique
Comme le firent jadis les mages d’Orient, les pèlerins, à leur tour, parcourent la route indiquée par l’Etoile, vers le Lieu saint de la naissance de Jésus. Et c’est de loin, avant même d’arriver sur le parvis de l’actuelle basilique, que l’on peut déjà percevoir tout l’enchantement d’un Lieu, qui depuis des siècles, attire à lui des millions de visiteurs venus du monde entier, « pour l’adorer ». Parvenu à l’esplanade pavée faisant face à la basilique, s’offre la vision du sanctuaire de la Nativité.
Il n’est pas aisé, à première vue, de comprendre la structure architectonique du complexe basilical, qui a subi des siècles d’Histoire et de transformations. L’édifice, qui remonte au VIe siècle, est l’œuvre des architectes de l’Empereur byzantin Justinien, lequel voulut reconstruire la basilique du IVe siècle, détruite après la révolte des Samaritains. En observant la façade, il est possible de distinguer quelques unes des parties qui constituent le complexe de la basilique et les structures annexes.
La basilique semble construite comme une forteresse : une conséquence de l’exigence, manifestée au cours des siècles, de rendre le sanctuaire plus sûr, ainsi que les habitations des moines qui en étaient les gardiens. A droite de la façade, des murs entourent les monastères arménien et grec, tandis qu’à gauche, se trouvent les constructions modernes de la Casa Nova, et du couvent franciscain d’époque croisée.
A l’époque constantinienne, le parvis actuel faisait partie de l’atrium de la basilique, et se présentait comme un large espace ouvert. Les fouilles, qui ont révélé le périmètre de la basilique du IVe siècle, l’ont confirmé. On a retrouvé, devant l’entrée, des réservoirs dont on peut reconnaître, dans le dallage, les bouches d’ouverture. L’eau pluviale y pénétrait, et était ensuite recueillie pour un usage rituel et pour la vie quotidienne des monastères.
Aujourd’hui, le parvis est entouré d’un mur d’enceinte. Il suit tout le côté sud jusqu’à l’ouest. A l’ouest, en direction du village, se trouvait pendant quelque temps un large portail qui faisait office d’entrée, et délimitait la zone des édifices sacrés, distincte du village. La présence de la porte, désormais détruite, est attestée par les restes des fondations et les peintures de Bernadino d’Amico (XVIe) et de Mayr (XVIIIe).
On doit la construction composite de la façade, -qui appartient à la structure d’époque justinienne-, aux continuels changements opérés au cours des siècles. Une observation attentive permet d’apercevoir trois portes d’entrée, qui, au fil du temps, ont été murées. La façade byzantine était présentée comme majestueuse et imposante, avec trois portails d’accès pour les allées respectives. Contrairement à l’édifice constantinien, la façade byzantine, précédée du narthex, fut allongée de l’espace d’un inter-colonne.
La petite porte d’entrée est, quant à elle, le résultat des modifications qui furent apportées au fil du temps : la grande porte centrale, d’époque byzantine, est facilement reconnaissable, avec architraves horizontales et pierres disposées en diagonale. Avec la venue des Croisés, la porte a été redimensionnée dans le style propre aux chevaliers occidentaux, pour des raisons de défense du Lieu saint. En témoigne le reste de l’arc ogival, qu’on peut reconnaître dans la maçonnerie. A l’époque ottomane, les dimensions du portail furent à nouveau réduites, aboutissant à l’actuelle porte d’entrée ; elle fut ainsi conçue, de manière à empêcher l’accès à ceux qui voulaient profaner le lieu de culte.
Ceci est un exemple qui rend compte, en quelque sorte, des différentes phases de la chrétienté à Bethléem : il est des périodes au cours desquelles la liberté de culte garantissait la reconnaissance de la foi chrétienne, et d’autres, dans lesquelles les persécutions et les intolérances rendaient difficile la vie des communautés locales. Les deux autres portes byzantines, désormais couvertes par les murs périmétraux de la basilique et des contreforts d’époque croisée, permettent d’entrevoir la majesté et la beauté de la basilique byzantine, et l’effet qu’elle pouvait produire sur ceux qui y venaient en pèlerinage.
Entrée à la Basilique
En entrant par la petite porte, on peut accéder à l’espace appelé narthex, réalisé à l’époque byzantine. Le narthex, dans l’antique tradition chrétienne, servait d’entrée aux espaces sacrés, destiné aux catéchumènes, qui à certains moments des célébrations, ne pouvaient pas entrer dans la basilique. A l’époque constantinienne, au lieu du narthex, qui n’existait pas, se trouvait un atrium, dévolu au même rôle, conçu comme un espace large et ouvert. L’espace du narthex justinien est divisé en 4 zones.
A l’époque croisée, les deux extrémités étaient les bases des campaniles qui s’élevaient sur quatre niveaux. Un quatrième espace à gauche de la porte d’entrée, était utilisé par les militaires chargés de surveiller la basilique à la fin de l’époque ottomane. Le portail, aujourd’hui couvert d’échafaudages, est un cadeau du roi arménien Hetum, fait en 1227, en témoigne la double inscription en arménien et en arabe.
Les deux campaniles, mentionnés pour la première fois dans l’itinéraire de G. de Mandaville, qu’il écrit entre 1322 et 1357, furent certainement construits à l’époque croisée. Placés aux extrémités du narthex, ils correspondent aujourd’hui à l’entrée du couvent arménien et à la chapelle du couvent franciscain de Sainte Hélène. Ils avaient autant la fonction de clocher que de tours de garde, pour le contrôle du territoire. L’époque de construction des deux structures est confirmée par les espaces restés intacts aux niveaux inférieurs, caractérisés par des éléments architecturaux croisés, comme les arcs brisés.
Le pèlerin Bernardino de Nali (XVe siècle) les décrit dans ses mémoires comme des structures très élégantes. Il est impossible de penser que des cloches y furent accrochées, comme le souligne le père Félix Faber (1480-83), puisque les Sarrasins ne permettaient pas aux chrétiens d’avoir de cloches. Les campaniles que l’on voit aujourd’hui, sont des constructions ultérieures faisant partie des monastères grecs-orthodoxes et arménien-orthodoxe.
Le portail d’entrée en bois a plus de 700 d’histoire, et fut donné par le roi arménien Hetum, fils de Constantin de Barbaron, en 1227, comme l’on peut lire sur l’inscription sculptée en arabe et en arménien : « Cette porte, avec l’aide de la mère de Dieu, fut exécutée en l’année 676 (de l’ère arménienne) par les mains du père Abraham et du père Arakel, au temps du roi Hatuma, fils de Constantin. Que Dieu aie pitié de leurs auteurs ». L’inscription en arabe offre quant à elle d’autres éléments chronologiques intéressants : « cette porte a été accomplie avec l’aide de Dieu, qu’Il soit exalté, le jour de notre seigneur al-Malik al-Mu’ addham, au mois Moharram de l’année 624 (de l’Hégire) ».
Ce cadeau témoigne bien des bonnes relations qu’entretenaient l’Eglise arménienne et les Croisés. Le portail, exécuté avec finesse, et pourtant mal conservé à cause de l’usure du temps et du peu de soin, présente une décoration florale typique du style arménien. Elle n’est désormais plus tellement visible, puisque couverte par les échafaudages, installés par l’Autorité palestinienne, pour soutenir les poutres du toit, sérieusement endommagées.
Le narthex que l’on peut voir actuellement a été modifié par rapport à l’original, et il en est beaucoup plus réduit. Le pavement est celui du IVe siècle, mais les murs, recouverts de plâtre, ne restituent pas leur beauté originelle, puisque la basilique entière devait être revêtue de plaques de marbre blanc veiné. L’on suppose, sur la base des études d’architecture byzantine, que le narthex était décoré, non seulement avec du marbre, mais aussi enrichi de mosaïques.
Après les restaurations, qui seront effectuées d’ici peu, et avec l’enlèvement des plâtres, les mosaïques murales pourront enfin être rendues à la lumière. L’espace du narthex justinien est divisé en 4 zones. A l’époque croisée, les deux extrémités étaient les bases des campaniles qui s’élevaient sur quatre niveaux. Ces deux espaces, caractérisés par des arches typiquement croisée, sont désormais devenus, pour l’un, la porterie du monastère arménien, l’autre ayant pris le nom de chapelle de Ste Hélène, propriété des frères franciscains. Dans l’entrée du monastère arménien, les murs ont été nettoyés, et rendus à leur état originel : l’on peut y voir les trous utilisés pour fixer le marbre de revêtement. Le plâtre sur les murs du narthex n’aide pas à envisager la dimension des portes latérales, visibles uniquement de l’intérieur de la basilique, où le mur de plâtre se décollait.
La zone décrite est un passage obligatoire pour tous les pèlerins qui veulent accéder à la basilique depuis le parvis, et représente un espace commun aux trois communautés. C’est pour cela que d’importants travaux d’entretien seraient nécessaires pour la consolidation de la structure.
Intérieur de la basilique
La Basilique a conservé, en son intérieur, tous les éléments architecturaux du VIe siècle. L’Empereur byzantin de l’époque de l’élaboration du projet, n’approuva pas les choix de l’architecte, l’accusa d’avoir dilapidé les fonds, et le condamna à la décapitation. En dépit de l’insatisfaction de l’Empereur, la structure prouva sa solidité, demeurant intacte jusqu’à aujourd’hui.
Le sol, à l’époque constantinienne, était entièrement revêtu de mosaïques finement travaillées, comme l’ont montré les fouilles du gouvernement anglais en 1932. Ces mosaïques présentent des décorations géométriques et florales. Parmi elles, on peut distinguer la mosaïque conservée à gauche du presbyterium, où, en soulevant la trappe en bois, on peut observer le monogramme IXΘYΣ, « poisson » en grec, que les anciens utilisaient pour désigner le Christ. Aujourd’hui, le sol est recouvert seulement d’une dalle en pierre tandis qu’à l’époque byzantine, il était fait de dalles de marbre blanc, avec des veines particulièrement marquées, dont il ne reste qu’un exemple dans la zone du transept nord. Le pavement constantinien était légèrement plus surélevé que l’actuel, qui se trouve à un mètre de hauteur au-dessus du niveau original. L’espace intérieur, divisé par les colonnes en cinq nefs, est sombre, et peu illuminé. Au VIe siècle, la basilique devait être entièrement recouverte de marbre : on a retrouvé les traces des trous dans les murs, une fois le plâtre nettoyé, qui servaient à fixer le marbre sur les parois.
La colonnade, qui se termine aujourd’hui à hauteur de la zone absidale, devait continuer en une sorte de déambulatoire à l’intérieur de la Grotte de la Nativité. Ce type de structure architecturale est visible dans plusieurs Lieux Saints, spécialement pour les Martyria, puisque selon la Tradition, le pèlerin devait faire plusieurs fois le tour du lieu, pour obtenir des grâces. Les colonnes et les chapiteaux, faits en pierre rouge de Bethléem, sont d’époque byzantine, œuvres d’artisans locaux. Les chapiteaux, de facture raffinée, étaient peints de couleur azure. On peut voir, sur les colonnes, des représentations des saints d’Orient et d’Occident, religieux et laïcs. Les architraves sont également de cette époque, mais les décorations remontent à la période croisée, et montrent des similitudes avec la basilique du Saint Sépulcre. Les autres parois de la nef centrale présentent des mosaïques de grande valeur, que l’on peut dater du XIIe siècle, œuvres de maîtres orientaux. Elles sont divisées en trois registres, et représentent, partant du bas : la généalogie de Jésus, les conciles et synodes locaux, et enfin, en haut, une procession d’anges. Un témoignage grec du IXe siècle nous dit qu’il existait auparavant d’autres mosaïques d’époque byzantine. Parmi elles, évoquons de manière toute particulière la représentation des Mages qui arrivent à Bethléem pour adorer Jésus, qui décorait la façade.
L’Histoire veut que les soldats perses, qui envahirent la ville en 614 après JC, furent intimidés à la vue de cette mosaïque, et se dissuadèrent de piller la basilique, qui resta intacte. Les transepts, qui gardent encore le pavement d’origine, en marbre d’époque byzantine, sont aujourd’hui décorés d’icônes et d’ornements sacrés de tradition grecque-orthodoxe (transept droit) et arménienne (transept gauche). Cette partie de la basilique conserve également des mosaïques de scènes évangéliques, habilement exécutées.
Les mosaïques au sol
Le sol de la basilique de la première basilique de la Nativité était intégralement recouvert d’un tapis de mosaïques. Ce sont les fouilles, entreprises entre 1932 et 1934 par le gouvernement anglais, qui l’ont montré. Le sol du IVe siècle montait en direction de la zone absidale, avec un dénivelé variant entre 75 cm et 31 cm. A l’époque byzantine, suite au changement de dimensions du plan de la basilique, le sol fut recouvert d’un revêtement de marbre blanc veiné. Au travers des trappes faites dans le sol, il est possible encore aujourd’hui de contempler les mosaïques antiques.
La facture est vraiment minutieuse et raffinée, surtout dans la nef centrale. L’on a calculé 200 tesselles sur 10 cm2 de surface, tandis que sur des mosaïques normales, la densité des tesselles est de 100 pour 10 cm2. Tout cela montre à quel point ces décorations sont précieuses, puisque la grande densité de tesselles permettait d’élaborer des images raffinées, et de reproduire plus de nuances de couleur. Le résultat est une mosaïque plus détaillée, et représentative de l’importance du Lieu Saint. Ces mosaïques, qui recouvraient la nef centrale et l’abside, représentent des éléments géométriques et décoratifs (svastikas, cercles, cadres, bandes entrelacées). Plus rares sont les éléments végétaux, comme les feuilles d’acanthe et de vigne. La représentation d’un coq, dans le transept nord, est assez exceptionnelle.
L’absence de figures animales est conforme à la tradition moyen-orientale, dans laquelle on ne trouve jamais de figures animales et humaines. Un élément très intéressant de la mosaïque est conservé à l’angle gauche de la nef centrale ; en ouvrant la trappe en bois, on peut voir un monogramme avec les lettres IXΘYΣ. Le signe utilisé dans l’Antiquité pour indiquer le nom du Christ (Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur), littéralement, « poisson » : c’est l’unique élément qui confirme que ce Lieu saint était chrétien. Un usage similaire du monogramme était fait à l’époque classique, à l’entrée des maisons patriciennes romaines, avec la représentation des bustes des propriétaires. L’on peut donc imaginer que le monogramme signalait le point d’accès à la zone sacré, et à la « maison de Jésus ».
Les études des fouilles anglaises ont suggéré que l’accès à la zone presbytérale de la basilique constantinienne était possible grâce à un escalier, qui devait partir précisément de l’endroit où se trouve la mosaïque. Selon le père Bagatti, le petit escalier utilisé pour accéder à la zone presbytérale fut détruit afin de permettre une entrée directe à la grotte.
La colonnade de la nef centrale
La décoration des colonnes, restée inaperçue jusqu’à 1891, quand le père Germer-Durant l’étudia, représente un des éléments plus intéressants de la décoration interne. Il est difficile de reconnaître une continuité et une organicité du projet iconographique. La technique utilisée est celle de a peinture à l’encaustique, peinture qui imprime les pigments mélangés à la cire, sous l’effet de la chaleur.
Les périodes de production diffèrent, autant que le travail de l’artiste : l’on peut donc penser que les travaux furent demandés par des clients individuels à divers peintres. Il est sûr que toutes les images remontent à l’époque croisée, époque de transition et de divisions entre l’Eglise d’Orient et l’Eglise d’Occident. Un fait confirmé par la présence de saints, autant de la tradition occidentale qu’orientale (cf. galerie photos). Les carrés, tous placés sur les colonnes de la nef centrale et celles de la première rangée au sud, sont entourés d’une bande de couleurs rouge et blanche, tandis que les figures des saints se distinguent sur fond bleu. Chaque saint a son nom écrit sur un parchemin au-dessus de lui, ou placé entre ses mains.
La fonction de ces dessins est décrite par le pèlerin Arculfe, qui témoigna de l’usage de célébrer des messes à proximité des colonnes, le jour de la fête du saint. Pour les ecclésiastiques de l’époque, les colonnes peintes servaient à rappeler de manière métaphorique la présence des saints en ce lieu. Il est coutume de penser, aujourd’hui comme hier, que les saints représentent ceux qui supportent le poids de l’Eglise : ces images des saints sur les colonnes traduisent donc avec force et simplicité ce concept à tous les fidèles qui visitent la basilique. Nous pouvons définir ces dessins comme des « fresques » à finalité votive, puisqu’il est très probable qu’ils attestaient qu’un pèlerinage avait été effectué. Les clients, avaient en outre conscience que les peintures contribueraient à l’embellissement de l’église.
Les mosaïques murales
La nef centrale est particulièrement obscure, en raison d’un manque d’entretien qui, au fil des années, a aggravé l’état du sanctuaire. Mais l’effet produit par les mosaïques sur fond or et argent incrustées de nacre, qui recouvraient autrefois tous les murs de la basilique, reste malgré tout fascinant. Les décorations murales, sûrement d’époque croisée, disposées sur différents segments, sont en partie recouvertes de plâtre.
Le dernier rapport des inspections relatives à la restauration de la basilique ont montré que les tesselles des mosaïques ont été disposées inclinées vers le bas, pour faire ressortir la beauté de la mosaïque, observée de plusieurs mètres en contrebas. Ainsi, le pèlerin qui entrait dans la basilique, était frappé par cette vision, en dépit du mauvais état de conservation des mosaïques. Le témoignage plus direct et précis sur les décorations est celui du père Quaresmi, qui, dans les Elucidatio Terrae Sanctae (1626), décrit minutieusement les mosaïques murales.
Au premier niveau, sur le côté droit, sont représentés St Joseph et les ancêtres du Christ selon l’Evangile de St Matthieu. Symétriquement, toujours d’après Quaresmi, sur le côté gauche, devait être représentée la généalogie selon l’Evangile de Luc. Au second niveau, entrecoupés de bandes de feuilles d’acanthe, sont représentés les sept conciles œcuméniques (Nicée, 325 ; Constantinople, 381 ; Ephèse, 431 ; Chalcédoine, 451 ; Constantinople II, 553 ; Constantinople III, 680 ; Nicée II, 787), les quatre conciles provinciaux (Antioche, 268 ; Ancyre, 314 ; Sardique, 342 ; Ganges, IVe siècle), et les deux synodes locaux (Laodicée, IVe siècle, Carthage, 254). Chaque concile est représenté par un édifice sacré, et expliqué à l’aide d’un cartouche, dans lequel sont explicitées les décisions prises à l’occasion. Au niveau supérieur, nous trouvons la représentation d’anges en procession vers la Grotte de la Nativité ; ils ont les traits féminins, et sont vêtus de tuniques blanches.
Aux pieds d’un de ces anges, l’on a découvert la signature du mosaïste, « Basile », probablement d’origine syrienne. Dans la traversée de la basilique, aujourd’hui encore, on peut observer des scènes tirées des évangiles canoniques : l’incrédulité de St Thomas, qui semble mieux conservée, l’Ascension, et la Transfiguration au nord ; l’entrée de Jésus à Jérusalem au sud. Dans l’abside principale, selon le témoignage de Quaresmi, devait être représentée la figure de la Vierge à l’enfant, et dans l’arc absidal, l’Annonciation à Marie, entre les prophètes Abraham et David. Sur les murs, se succédaient des scènes de la vie de la Vierge Marie, tirées des évangiles apocryphes. Dans la contre-façade, au-dessus du portail d’entrée, l’arbre de Jessé, avec Jésus et les prophètes, était représenté.
La mosaïque est maintenant recouverte de plâtre blanc. Le pèlerin Focas, en 1168, dit avoir vu dans l’église l’image de son empereur byzantin, Constantin Porphyrogénète : preuve de l’étroitesse des relations entre les Eglises d’Orient et d’Occident, même après le schisme de 1154, à l’époque où la basilique était sous le contrôle des Croisés. Une inscription, faite sur l’abside principale, mentionne les noms de Manuel Comnène et Almaric de Jérusalem ; les mosaïques ont du être réalisées avant 1169, dans les dernières décennies de la présence croisée en Palestine, qui prit fin en 1187. Les commanditaires de l’œuvre sont autant le roi croisé de Jérusalem, que l’Empereur byzantin : un exemple de collaboration, -pratiquement le seul dans l’Histoire-, et qui souligne l’importance du Sanctuaire en son temps. Les dernières études réalisées pour la restauration, ont soulevé une nouvelle question relative à l’origine de la main-d’œuvre utilisée pour les mosaïques. L’hypothèse met l’accent sur la possibilité que des artistes locaux aient participé au projet décoratif, comme il était normalement d’usage, pour des raisons pratiques. Les signatures des mosaïstes, Efrem et Basile, noms d’origine syrienne, sont de bons indicateurs pour l’attribution de la main-d’œuvre. On peut également supposer que des maîtres et artistes grecs soient intervenus dans ces projets, mais il est également clair que ceux qui ont élaboré ces décorations, connaissaient parfaitement les grands monuments de Terre Sainte, exécutés par des artistes d’Occident.
Par exemple, dans la bande décorative de la nef, celle qui sépare les conciles des anges du haut, où sont les fenêtres, se trouve une étroite bande décorative, dans laquelle apparaît un masque animal, typique de l’art romain européen. Dans les mosaïques de Bethléem, se vérifie le rapport étroit entre art byzantin et art occidental, dans une commune harmonie. Les dernières recherches affirment que, du point de vue décoratif, la basilique contient la plus grande expression, à l’époque croisée, de la rencontre entre art byzantin et art croisé. Les mosaïques présentent ainsi le « visage » œcuménique que la basilique de la Nativité représente aujourd’hui encore pour ses visiteurs : le trait d’union entre Eglises d’Orient et Eglises d’occident.
Le presbyterium
L’iconostase grecque placée actuellement sur le presbyterium remonte à 1764. Dans l’ancienne basilique, cette zone au-dessus de la Grotte était certainement octogonale, comme l’ont prouvé les fouilles de 1932-1934. D’après ces fouilles et les reconstructions de la zone, au IVe siècle, on pouvait accéder au presbyterium depuis un petit escalier suivant le périmètre octogonal. Dans cette zone de la basilique, à l’intérieur du périmètre octogonal, des mosaïques semblables à celles de la nef centrale ont été retrouvées, mais beaucoup plus riches, avec des représentations animales et végétales, et des éléments géométriques.
La zone sacrée décrite est celle qui subit le plus de changements à l’époque justinienne. Tout l’espace du presbyterium fut élargi dans 3 directions, avec l’ajout de 3 absides spacieuses en forme de croix. Le baldaquin fut remplacé par un véritable presbyterium, de forme lunaire, placé au centre de la zone, afin que les pèlerins puissent librement circuler autour du lieu. A cette occasion, l’entrée de la grotte fut transformée, et deux entrées furent créées.
Les grottes
Les grottes souterraines contiguës à la Grotte de la Nativité sont variées. Cette zone, destinée déjà dans l’Antiquité à un usage funéraire, a maintenu, au cours du temps, cette vocation. La plus grande grotte, voisine de celle de la Nativité, dite de St Joseph, est divisée en deux espaces et communique avec le couvent des franciscains.
Il est possible, de cette même grotte, d’accéder à la Sainte Grotte, au travers d’un passage réservé aux Latins, utilisé lors de la Procession quotidienne au Lieu de la Nativité. A côte de l’autel de St Joseph, sur la droite, se trouvent deux petites grottes, la seconde est dédiée aux Saints Innocents. En face, est conservé un arc pré-constantinien, appartenant à une chambre funéraire, détruite à l’époque de Constantin, pour construire les fondations de l’édifice.
On pense que cet endroit de la grotte est l’entrée originelle da la caverne, d’où on pouvait entrevoir, au fond, la scène de la crèche. Sur la droite, se trouve le passage pour la grotte de Saint Jérôme, de Ste Paule et St Eustache : là, furent découvertes les tombes des saints, avec 72 autres tombes, de différentes époques, maintenant conservées à l’intérieur d’un seul sépulcre.
Grotte de la nativité
L’entrée est aujourd’hui placée sur le côté du lieu de la naissance de Jésus, mais on pense qu’au IVe siècle, elle se trouvait devant la zone presbytérale. Les petites façades des deux entrées latérales remontent à l’époque croisée. En descendant l’escalier sur la droite de l’iconostase, on accède à la Grotte de la Nativité. L’espace y est étroit et serré, et les murs, originellement irréguliers, forment un périmètre quasi rectangulaire. Les parois naturelles de la Grotte, décoré à l'époque de Constantin, furent recouvertes de marbre à l’époque byzantine.
L’on commença à vénérer l’autel de la Nativité, seulement à partir du moment où, à l’époque byzantine, l’on créa cet espace en mémoire du lieu précis de la naissance de Jésus. L’actuelle structure est désormais totalement différente de celle décrite par les pèlerins Focas et l'Abbé Daniel, au XIIe siècle. Deux colonnes en pierre rouge portant l’inscription « Gloria in excelsis Deo et in terra pax hominibus », surmontent l’autel, au-dessus duquel est représenté la Vierge et l’enfant dans les langes, la scène du lavement, et celle de la venue des bergers. Sous l’autel se trouve l’étoile avec l’inscription en latin, « Hic de vergine Maria Iesus Christus natus est », en mémoire du lieu précis de la Nativité. A droite de l’autel, se trouve le lieu où Marie posa Jésus dans la mangeoire, qu’on appelle aussi la crèche. A ce niveau de la grotte, le sol est plus bas, et la pièce est constituée de colonnes semblables à celles byzantines de la nef centrale de la basilique, et des restes de deux colonnes croisées. En face de la crèche, il y a un petit autel dédié aux Mages, où la sainte messe est célébrée selon le rite latin. La structure de la crèche n’est pas originale, mais elle est le fruit de diverses retouches, dues à l’usure du temps et au passage des pèlerins.
Après l’incendie de 1869, les parois de la Grotte furent recouvertes d’amiante, don du Maréchal MacMahon, président de la République française, afin d’éviter tout risque d’incendie. Au-dessous du revêtement, les marbres croisés originels sont encore visibles, tandis qu’au-dessus, on peut voir des peintures sur bois, de médiocre qualité.
Suivant le parcours de la procession quotidienne, sortant de la Grotte de la Nativité à travers la galerie aménagée par les franciscains pour garantir un passage direct au Lieu saint, on accède à la Grotte de Saint Joseph. Revisitée dans un style moderne par l’architecte Farina, elle devait être la plus proche du Lieu de la Nativité. En sortant de la galerie, on peut voir sur la droite l’autel de St Joseph. Face à lui, sont conservés les fondations d’un mur constantinien ainsi qu’un arc pré-constantinien, lesquels attestent que déjà au IIe-IIIe siècles, le lieu était utilisé comme sépulcre « ad santos ».
En effet, il était coutume d’ensevelir les morts à proximité des Lieux saints, également en Occident, à Rome par exemple. En sortant de la zone souterraine pour entrer dans l’église de Ste Catherine, il est possible de traverser les murs de soutènement des trois différentes constructions de la zone absidale, une d’époque constantinienne, les deux autres d’époque byzantine, l’une d’elle résultant d’un projet non abouti.
Tournant le dos à l’autel de St Joseph, nous trouvons à notre droite la Grotte des Innocents, à l’intérieur de laquelle l’on peut voir trois arcosolia, sous lesquels étaient conservés deux à cinq tombes.
On rappelle ici la mémoire du massacre des Innocents, exécuté sur ordre Hérode le Grand, peu de temps après la naissance de Jésus. Dans les premiers siècles, la mémoire des Innocents était rappelée dans la grotte voisine, probablement une fosse commune, dans laquelle de nombreux ossements ont été trouvés.
Dans la grotte de passage entre la grotte de St Joseph et celle de St Jérôme, nous voyons deux autels : un dédié à Ste Paule et St Eustache, l’autre aux saints Jérôme et Eusèbe. Dans le mur à droite du premier autel, se trouvent trois tombes, disposées dans le style des tombes romaines qu’on a pu trouver dans les campagnes du Latium.
Cette trouvaille pourrait accréditer la présence de fidèles de la communauté latine, qui avaient l’habitude d’ensevelir leurs morts selon l’usage romain des catacombes, où les corps étaient déposés dans les niches des parois. Depuis la dernière grotte dédiée à St Jérôme, il est possible d’accéder directement au cloître supérieur, grâce à un escalier interne.
Bâtiments autour de la Basilique
Le complexe monumental des édifices sacrés, au coeur duquel se trouve la Basilique de la Nativité, couvre une superficie de près de 12 000m2. En plus de la Basilique, il comprend les monastères latin (nord), grec (sud-est), arménien (sud-ouest) et l'église catholique de Sainte-Catherine-d'Alexandrie, avec le cloître de Saint-Jérome.
L’église de Ste Catherine est accessible par trois chemins : à travers le transept nord ; à travers les grottes souterraines ; et en passant par le cloître de St Jérôme. L’église, qui appartient au complexe du couvent croisé, a subi de notables changements au cours des années, la dernière en date étant celle faite à l’occasion du Jubilé de l’an 2000.
Le lieu, dédié à Ste Catherine d’Alexandrie déjà depuis 1347, était initialement une petite chapelle à l’intérieur du couvent franciscain, et qui correspond aujourd’hui à l’espace autour de l’autel consacré à Ste Catherine. L’ancienne structure, décrite dans les plans de Bernardino Amico, est désormais définitivement modifiée, et l’espace s’est agrandi avec le temps. L’édifice sacré que nous voyons aujourd’hui est très spacieux et lumineux ; il se constitue de trois nefs avec abside surélevée, qui sert de chœur aux frères. Cette abside contient une représentation moderne, sur vitrail, de la scène de la Nativité, effectuée en l’an 2000.
Au fond de la nef, à droite, nous voyons l’autel de Ste Catherine, tandis qu’en face, se trouve l’autel consacré à la Vierge Marie avec la statue de l’Enfant Jésus, datant du XVIIIe siècle, et utilisée durant les célébrations de Noël, à Bethléem. Mentionnons tout particulièrement les arcs croisés conservés à l’entrée de l’église, désormais englobés dans la structure, qui faisaient partie du cloître dit de St Jérôme. C’est aussi là qu’est conservé le bas-relief offert par le Pape, à l’occasion du Jubilé de l’an 2000.
Le cloître de St Jérôme, appelé ainsi à cause de son accès direct à la grotte du saint, fut restauré par l’architecte Antonio Barluzzi en 1947. A cette occasion, l’architecte aida le père Bagatti pour les fouilles archéologiques des grottes du bas. Pour la restauration du cloître, l’on dut procéder à l’insertion de colonnes alternatives pour soutenir la structure.
Cette insertion fut faite dans le respect de conservation de la structure : on le voit clairement avec les chapiteaux modernes, simples et linéaires, qui alternent avec ceux, croisés, plus richement décorés. En entrant dans le cloître, on arrive à la chapelle de Ste Hélène, qui est le reste de la base du campanile croisé, avec des fresques du XIIe siècle, mal conservées, mais d’un style très intéressant.
Du côté opposé, se trouve l’entrée du couvent franciscain, agrandi par rapport au couvent croisé, dont il reste le vestibule avec des arcs en ogive, les murs périmétraux avec accès au côté nord du couvent, le dépôt et les citernes, certaines d’époque récente. A travers les souterrains du couvent, il est possible d’accéder au lieu que la Tradition désigne comme étant celui du « lavement de Jésus ».
En entrant dans le cloître de St Jérôme, et en se dirigeant vers la basilique, on peut accéder, à travers une petite porte, à la chapelle dite de St.e Hélène.
A l’époque croisée, le narthex justinien fut subdivisé et un de ces espaces fut transformé en chapelle. Elle présente des éléments architecturaux croisés, et les fresques d’époque croisée, d’une valeur inestimable, remontent au XIIIe siècle, aujourd’hui, en très mauvais état, comme le déclara P. Vincent.
Dans l’abside, on voit représenté le Christ sur son trône, entre la Vierge et Jean l’évangéliste. Dans l’arcade, on voit également un médaillon, dans lequel se trouve un hétimasie, thème iconographique byzantin qui représente un trône vide, prêt pour l’arrivée du Christ, lors du jugement universel.
Plusieurs représentations de saints figurent sur les autres murs.
Le couvent franciscain
Le couvent fut construit au-dessus des grottes des premiers moines, venus s’installer près de la Grotte de la Nativité, et du premier couvent croisé des chanoines augustiniens. L’essentiel de la structure reste croisée, même si agrandie et modifiée. Des éléments de l’architecture croisée subsistent très clairement dans le large salon d’entrée du couvent, et aussi dans les espaces souterrains.
Il est encore possible aujourd’hui d’accéder à l’ancien espace de dépôt croisé, et d’identifier, à travers l’endroit où se trouvent les ascenseurs, l’ancienne citerne croisée. La façade et l’accès au couvent croisé étaient situés du côté nord de l’édifice, c’est-à-dire le long de l’actuel parking et de l’entrée de la Casa Nova.
Le lieu dit du « lavement de Jésus » est accessible seulement depuis le couvent. Le site, intéressant au niveau historique et archéologique, n’a pas encore été étudié de manière adéquate. Il est pourtant certain que la roche, à cet endroit, ait maintenue les mêmes caractéristiques qu’au temps où la Sainte Famille foula ce sol. Nous voici maintenant dans une grotte circulaire, au centre de laquelle est creusée une sorte de baignoire ronde, laquelle, selon la Tradition, serait le lieu du premier bain de Jésus.
La scène du lavement se retrouve dans toutes les icônes orientales et antiques représentations de la Nativité. L’endroit fut redécouvert, à la fin du XIXe siècle, par un sacristain pour le moins entreprenant. Le caractère sacré du lieu est attesté par des témoignages anciens, comme celui d’Arculfe, (Des Lieux Saints, 2, 1, 3 ; 630 après JC), qui raconte s’y être lavé le visage. Le site doit encore être étudié, mais on peut penser qu’il était utilisé avant même la naissance de Jésus.
La structure du couvent est encore celle d'époque croisée. Ceci est démontré par la présence d'espaces souterrains comme le salon des Croisés, maintenant utilisés comme une chapelle pour les pèlerins, une fois utilisé comme un entrepôt. Parallèlement à ce sont encore conservés anciennes citernes.
Le toit
Contrairement à de nombreuses églises orientales, le toit n’était pas à voûte, mais à fermes, comme décrit par Ludovic de Rochechouart, avant les restaurations de 1461 : « dans le toit, il y a une structure en bois, construite depuis l’Antiquité. Elle se détériore de jour en jour, surtout dans le chœur. Les Sarrasins n’autorisent ni les constructions ni les restaurations, et c’est un miracle de l’Enfant né à cet endroit que l’édifice subsiste encore ».
Le toit de la Basilique de la Nativité subit une réfection en 1479, sur décision du gardien d’alors, le père Giovanni Tomacelli. Le bois, payé par Philippe le Bon de Bourgogne, fut transporté par des bateaux vénitiens, tandis que le plomb pour le revêtement fut offert par le roi Edouard IV d’Angleterre.
Une autre réfection, faite par des Grecs, fut effectuée en 1671. A cette occasion, le bois de cèdre fut remplacé par du bois de pin, comme en témoigne le père Nau.
L’énorme effort fourni en matériel et en ressources économiques donna l’heureux résultat d’un toit encore présent aujourd’hui, mais fortement endommagé, provoquant la dégradation des mosaïques murales. La structure en plomb, qui, en été, atteint de très hautes températures, se modifie avec la chaleur, entrainant par là des déplacements de la structure, et favorisant ainsi l’infiltration d’eau.
Nous proposons aux visiteurs une intéressante vue aérienne de la basilique, du toit de l’église Ste Catherine, qui permet de profiter de la construction triabsidale du sanctuaire, et qui nous aide à comprendre les changements survenus au fil des siècles dans la basilique.
Le trésor de Bethléem
Le trésor de Bethléem est aujourd’hui conservé au Musée archéologique du Studium Biblicum Franciscanum. Il est composé d’une série d’objets en bronze et argent, provenant de la basilique de la Nativité, à l’époque médiévale. Ils furent retrouvés par hasard à deux moments différents, d’abord en 1863, durant les travaux de restauration de la cuisine du couvent franciscain, et en 1906, lors des travaux d’excavation du nouvel hospice des pèlerins. Le trésor fut caché avec soin pendant un certain temps, et pour des raisons qui nous sont encore inconnues, mais probablement pour les protéger d’éventuels pillages. Il est possible que cela ait eu lieu après 1452, et la décision de Mehmet II d’interdire aux chrétiens l’usage des cloches. Le trésor se compose de :
- Une crosse émaillée
- Trois chandeliers également émaillés, et deux autres avec des inscriptions.
- Un carillon composé de 13 cloches
- Des tuyaux d’orgue, de diverses dimensions
- Enfin, une croix arménienne en métal trouvée lors des fouilles en 1962-1964, par le père Bellarmino Bagatti.
D’autres objets d’art, provenant de la Basilique de la Nativité, sont également conservés au musée de la Flagellation.
Bethléem dans l'iconographie
La représentation de la Basilique de la Nativité dans l'histoire
Déjà dans l'antiquité chrétienne, Bethléem est représentée par de nombreuses mosaïques et miniatures, autant par des artistes qui ont visité le lieu que par ceux qui ne connaissaient pas réellement le sanctuaire. Parmi ceux-ci nous pouvons faire une brève liste de quelques unes de ces représentations qui nous donnent une image proche de la réelle évolution du sanctuaire:
- La mosaïque murale de St Pudenziana à Rome du IV siècle, qui a à droite du Rédempteur un édifice octogonal et à gauche un autre qui de manière commune est identifié comme le Saint Sépulcre.
- Le sol en mosaïque de Madaba du VI siècle qui représente la construction Justinienne avec les trois absides en trèfle qui en identifient la structure.
- La miniature médiévale (XIII siècle) conservée à Cambrai , en France, sur laquelle est représentée la façade de la basilique au temps des Croisés, avec les deux clochers.
- La gravure sur bois contenue dans « Voyage en Palestine » (1483), de B. von Breidenbach sur laquelle est dessinée la Basilique avec des éléments qui aujourd'hui ne sont plus visibles, comme la paroi, les bâtiments habités par les Grecs et les Arméniens, la forme arquée des fenêtres de la basilique et les trois croix qui indiquent les indulgences, nous redonnant ainsi l'aspect de l'ancienne basilique.
Pour finir nous pouvons rappeler tous les dessins de P. Bernardino Amico (XVI siècle), et de P.Ladislao Mayer (XVIII); ce dernier, qui nous donna des détails intéressants, parmi lesquels ceux du cloître.
Le petit Enfant de Bethléem
La statue de l’Enfant Jésus, portée en procession jusqu’à la crèche la nuit de Noël, et ramenée dans l’église Ste Catherine après l’Epiphanie, fut commandée par le frère Gabino Montoro, ofm, en 1920, à la maison Viuda Reixach de Barcelone, et fut réalisée par l’artiste Francisco Roges. Celui-ci a également réalisé la petite statue de l’Enfant sur le trône, portée en procession par le Custode le jour de l’Epiphanie.
Les deux statues sont en bois de cèdre. Plusieurs modèles furent exécutés, et l’on choisit celui aux mains jointes. La tradition de la statue de l’enfant Jésus de Bethléem est une des plus anciennes traditions, comme le démontre la chronique de Gobulovitch, dans la bibliothèque biobibliographique de la Terre sainte, qui raconte un épisode de la disparition de la statue : Comment le Pacha de Jérusalem déroba une statue en bois de l’Enfant Jésus, pour en gagner de l’argent. « Le 3 juin, presque toutes les nations schismatiques se rassemblèrent à Bethléem pour je ne sais quelle fête, et étant entrés dans notre couvent pour visiter les sanctuaires et les églises, ils restèrent dans notre sacristie, admirant une magnifique sculpture d’un petit enfant, que nos frères avaient l’habitude de mettre dans la crèche pendant la Nuit de Noël, et ils demandèrent ce que c’était.
Un traducteur grec répondit qu’il s’agissait du Dieu des Francs idolâtres, et que si les ministres trucs nous l’enlevaient, nous resterions sans Dieu. Il ne s’était pas passée une heure, que dans notre église de Ste Catherine, entra le Pacha, qui se trouvait là par hasard avec toute sa cour, et il demanda à voir l’Enfant. Après l’avoir tenu en mains, non sans un plaisir évident, il la remit au traducteur sans mot dire. Le soir, le Pacha était dans notre église (où l’on avait coutume d’héberger les grands personnages), et parlant de tout cela, quelqu’un lui dit qu’il avait mal fait en restituant l’Enfant, parce que s’il l’avait retenu, les Francs l’auraient sûrement racheté au prix de milliers de piastres, puisqu’ils l’adoraient comme Fils de Dieu. Le Pacha pensa pouvoir gagner de l’argent en profitant de cette honnête opportunité, et envoya immédiatement son traducteur enlever l’Enfant, avec ordre de ne pas le faire souffrir ni de l’abîmer, et avec ce vain espoir, la porta chez lui à Jérusalem. Le père gardien vit tout cela, garda son calme, et ne lui dit rien. Trois mois plus tard, en voyant que les frères ne disaient rien, il appela le traducteur et lui dit à quel point il était étonné de ce que les Francs estimaient si peu leur Dieu. Le traducteur répondit que les Francs adoraient un Dieu un et trine, que ce Dieu était au Ciel, que le petit Enfant représentait seulement le Fils de Dieu incarné, et que les frères le mettaient dans la sainte crèche pour représenter le mystère de la Sainte Nativité. Le Pacha sourit : il savait bien que la statue était leur vrai Dieu, et que les frères continuaient à tergiverser pour ne pas payer. Mais vu qu’il ne voulait plus la garder avec lui, il était prêt à la rapporter gentiment à Bethléem, et à la leur rendre en mains propres, moyennant au moins 100 piastres. Après de nombreuses répliques, il se contenta finalement de deux vêtements de soie, et deux pièces de draps. A la louange du Christ. Amen ! » (T.S. 1969, p.378) Saint François d’Assise et ses frères contribuèrent à divulguer et accroître cette ancienne Tradition du petit Enfant Jésus, ainsi que la dévotion qui y est attachée. Des documents font état de l’expédition de statuettes depuis la Terre Sainte jusqu’en Italie en 1414, usage toujours en vigueur encore aujourd’hui. Les pèlerins aiment également à rapporter chez eux les statuettes du petit Jésus, comme souvenirs de Lieu saint de la Nativité.
Fabrication
Parmi les activités économiques les plus importantes de la ville de Bethléem, nous pouvons bien sûr énoncer celles des produits de l'artisanat local en bois d'olivier, nacre et corail. L'histoire de cet artisanat est directement lié à l'histoire de la fraternité franciscaine de Bethléem, qui à partir de 1500, met en place des centres spéciaux pour l'apprentissage de l'art de la sculpture et du travail du nacre, favorisant ainsi l'ouverture de boutique artisanale dédiée à ces techniques, pour réaliser des mobiliers liturgiques, des crèches et autres fabrications.
Encore aujourd'hui l'économie de beaucoup de familles de Bethléem dépend de celui-ci, surtout après la construction du mur qui a isolé en partie les populations des territoires. Le premier témoignage qui nous parle de l'usage de ces techniques remonte à 1586 quand le pèlerin belge Giovanni di Zuallardo, décrivant son pèlerinage sur les lieux saints parlera ainsi de Bethléem :"Ils font des couronnes et des petites croix en bois d'olivier, cèdre et autres matériaux similaires" (Le très dévot voyage de Jérusalem, Rome 1595, p. 206). L'enseignement de la technique doit certainement remonter à la création de l'école en 1347, dans laquelle au delà des matières théoriques, était proposé l'enseignement de discipline pratique et de l'artisanat. Outre la production de matériel simple, débuta également la fabrication d'objets de grand art et de grande valeur, parmi lesquels les modèles miniatures des lieux saints et les crèches en nacre et bois d'olivier.
Tout ceci eut lieu lorsque sur les études de Bernardino Amico, qui fut à Jérusalem et à Bethléem entre 1593-1597, vinrent réalisés des chefs-d'œuvre de modélisme, tout spécialement en nacre. Sous l'Empire Ottoman, l'artisanat local vit l'arrêt de la production à cause de la diminution des pèlerins. C'est surement au début du XX siècle que l'industrie reprit avec une vigueur majeure. Et c'est également grâce à la contribution de p. Pacifico Riga, qui en tant que directeur et professeur de dessin de l'école de Bethléem durant à peu près 24 ans, redécouvrit et valorisa l'enseignement de cet art. Parmi les fabrications les plus connus de l'artisanat local de Bethléem, nous pouvons rappeler les crèches, les sépulcres, les cadres en nacre, les reliquaires et candélabres, sans compter les monumentales modèles miniatures qui reproduisent les lieux saints.